Au-delà des 1200 euros : quelles perspectives de réforme pour les petites pensions ?

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En contrepartie de l’augmentation de l’âge légal d’ouverture des droits et de l’accélération de l’augmentation de la durée de cotisation prévue par la loi Touraine, le gouvernement propose une augmentation des pensions les plus modestes, indiquant dans le projet de loi que “les salariés qui ont cotisé toute leur vie avec des revenus autour du Smic partiront désormais avec une pension de 85% du Smic net”, ce qui correspond aujourd’hui à une pension de près de 1200 euros mensuels.

Cette annonce ne vise pas la création d’un nouveau mécanisme de pension minimale, mais est l’illustration de la proposition d’augmenter le “minimum contributif” (parfois appelé par l’acronyme MICO) de 100 euros. Une telle augmentation permettrait effectivement aux salariés ayant travaillé au Smic toute leur carrière d’avoir une pension à 1200 euros, mais comme il a été souligné au cours du débat, cette situation précise ne concerne qu’un très petit nombre de personnes. Les bénéficiaires du minimum contributif, eux, sont beaucoup plus nombreux : comme l’indique la DREES, “au régime général, une pension sur cinq liquidée en 2019 est portée au minimum contributif”. Étant donné la complexité des règles de calcul du minimum contributif, l’impact de l’augmentation annoncée par le gouvernement aura cependant des effets très différents sur les montants de pension de ces retraités. Elle ne constitue en outre qu’un élément dans la problématique plus générale des petits montants de retraite.

Le minimum contributif: un dispositif pour réhausser les petites pensions des travailleurs sous condition de durée de cotisation

Comme son nom l’indique, le minimum contributif a pour but de garantir une retraite minimum aux travailleurs qui ont contribué au régime général. Il ne concerne ainsi que la pension de base des travailleurs du secteur privé [1]. Ainsi, le montant évoqué de 1200 euros au Smic correspond en fait à la somme du minimum contributif et du montant de pension des régimes complémentaires. Par ailleurs, le bénéfice du minimum contributif est conditionné à l’obtention du taux plein: seuls les travailleurs ayant atteint la durée cible (43 ans de durée d’assurance), étant partis à la retraite à 67 ans (âge d’annulation de la décote), ou partis au titre de l’inaptitude ou de l’invalidité peuvent donc y prétendre.

Pour les personnes qui vérifient les conditions précédentes, le minimum contributif réhausse les retraites jusqu’au seuil maximal de 747 euros mensuels (hors pension des régimes complémentaires). Ce seuil est maximal, car il dépend de la carrière de la personne concernée. La totalité du minimum contributif se décompose en effet en un premier montant de 684 euros auquel s’ajoute une majoration de 63 euros. Un assuré ne peut prétendre à la majoration que s’il a une durée cotisée d’au moins 30 ans. Il convient ici de signaler la différence entre la durée d’assurance utilisée pour le calcul du taux plein de la durée cotisée, qui correspond aux périodes effectivement travaillées par la personne et exclut donc en particulier les périodes de congé parental, mais aussi de chômage et d’invalidité [2].

Le minimum contributif est finalement proratisé. Son montant de base (684 euros) est calculé en proportion de la durée d’assurance au régime général [3]. La majoration, quant à elle, est proratisée proportionnellement à la durée de cotisation au régime général.

Si l’on prend par exemple une personne née en 1956 qui a travaillé pendant 30 ans et qui a élevé ses enfants pendant 4 ans et qui part à la retraite aujourd’hui à 67 ans. Elle a le taux plein par l’âge et peut donc prétendre au minimum contributif. Elle a une durée cotisée d’au moins 30 ans, ce qui lui permet également d’avoir la majoration. Étant donné ses durées d’assurance (30 + 4 = 34 ans) et de cotisation (30 ans), et le fait que la durée cible pour sa génération est de 41 ans et demi, on lui applique une proratisation de 34/41,5 sur le minimum contributif de base, et de 30/41,5 sur la majoration. Son minimum contributif est donc de: 684 x 34/41,5 + 63 x 30/41,5 = 606 euros. Le surplus de pension qu’elle percevra est finalement égal à la différence entre sa pension du régime général et ce minimum contributif proratisé.

Il existe une condition finale sur l’ensemble des pensions perçues par l’individu : celles-ci ne peuvent pas excéder un plafond actuellement fixé à 1309 euros. Pour une personne ayant une pension du régime général faible, si la somme totale de ses pensions (régime général, fonction publique, régimes complémentaires, etc.) dépasse ce seuil, alors le minimum contributif sera écrêté. 

Comment la réforme va-t-elle affecter le minimum contributif et les pensions?

La réforme proposée par le gouvernement prévoit une augmentation de 25 euros pour le minimum contributif de base et de 75 euros pour la majoration, soit une augmentation de 100 euros pour le travailleur à carrière complète. 

Une augmentation inférieure à 100 euros pour le travailleur avec une carrière complète au SMIC à temps plein

Pour l’illustrer, reprenons l’exemple donné par le gouvernement d’un salarié rémunéré au Smic à partir du calculateur de la DREES mis à disposition en ligne. Dans le système actuel, la pension de retraite brute de l’individu est de 1103 euros, elle se décompose en une pension du régime général (CNAV) de 765 euros et une pension complémentaire (Agirc-Arrco) de 338 euros [4]. La pension de base étant supérieure aux 747 euros du minimum contributif majoré, le travailleur ne peut prétendre au minimum contributif. Après réforme, le minimum contributif majoré est augmenté de 100 euros et passe donc à 847 euros. La pension CNAV étant inférieure à ces 847 euros, elle est alors complétée jusqu’au minimum contributif. Le salarié bénéficie alors d’une augmentation de 847 – 765 = 82 euros, et sa pension totale passe à 1185 euros, soit à peu près les 1200 euros bruts annoncés par le gouvernement.

Calcul des auteurs à partir du calculateur DREES. La pension CNAV correspond à la pension principale du régime général, le MICO correspond au minimum contributif et la pension Agirc-Arrco a la pension complémentaire

Les travailleurs à temps partiel verront leur pension augmenter, mais n’atteindront pas les 1200 euros

D’autres cas types permettent d’illustrer le fonctionnement du minimum contributif et l’impact potentiel de la réforme. Supposons tout d’abord un travailleur qui a travaillé toute sa vie au Smic à mi-temps (ou de manière équivalente un travailleur saisonnier qui ne travaille que 6 mois de l’année). Étant donné le système de validation des trimestres, ce travailleur a une durée validée maximale [5], mais a droit à une plus petite pension de base du fait de son faible salaire de référence. Comme le montre la figure ci-dessous, ce travailleur bénéficie à plein du minimum contributif qui lui garantit une retraite de base de 747 euros avant réforme et 847 après réforme, mais ses moindres cotisations au régime complémentaire du privé (Agirc-Arrco) ne lui permettent d’atteindre que 1015 euros bruts après réforme.

Calcul des auteurs à partir du calculateur DREES. La pension CNAV correspond à la pension principale du régime général, le MICO correspond au minimum contributif et la pension Agirc-Arrco a la pension complémentaire

Tout comme le minimum contributif, l’augmentation de 100 euros sera proratisée par la durée de cotisation

Prenons enfin le troisième cas type d’une personne qui a perçu le Smic toute sa vie, mais qui est sortie du marché du travail à l’âge de 50 ans pour invalidité. La statut d’invalide permet à cette personne de cumuler des trimestres d’assurance et de partir au taux plein à l’âge d’ouverture des droits, ces périodes ne sont cependant pas des périodes cotisées [6], et le travailleur ne peut donc toucher la majoration du minimum contributif et ne percevra donc que le minimum contributif de base en plus de sa pension complémentaire. Comme le montre le graphique suivant, elle perçoit environ 871 euros dans le système actuel auxquels viendraient s’ajouter 25 euros si la réforme est adoptée en l’état.

Calcul des auteurs à partir du calculateur DREES. La pension CNAV correspond à la pension principale du régime général, le MICO correspond au minimum contributif et la pension Agirc-Arrco a la pension complémentaire

Tout comme le travailleur au SMIC à carrière complète, ces différents cas types ne représentent certainement qu’une très petite part des travailleurs. Ils permettent cependant d’illustrer les mécanismes à l’œuvre dans l’augmentation du minimum contributif. Comme le montre le dernier cas type, la durée de cotisation joue un rôle essentiel sur le montant du minimum contributif étant donné qu’elle joue sur le bénéfice de la majoration et sur la proratisation. Ce sera d’autant plus vrai pour les personnes déjà retraitées avant 2023, qui pourront bénéficier de la majoration à titre rétrospectif mais pour lesquelles, d’après le projet de loi, celle-ci sera calculée uniquement en regard de la durée cotisée.

Un engagement des partenaires sociaux, gestionnaires des retraites complémentaires, sera nécessaire pour maintenir l’objectif d’une pension garantie à 85% du SMIC

Il convient par ailleurs de souligner que pour arriver aux 1200 euros promis par la réforme, il est nécessaire d’ajouter la pension complémentaire au minimum contributif, or celle-ci peut différer selon le régime comme le montre le graphique suivant qui compare les pensions d’un travailleur du privé, d’un travailleur indépendant et d’un contractuel de la fonction publique ayant eu des carrières complètes au SMIC. Après réforme leur pension de base (CNAV) sont complétées par le minimum contributif à hauteur de 847 euros, mais leur montants de retraites totaux sont différents, et particulièrement plus bas pour les travailleurs indépendants [7]. D’autre part, la décision d’indexer ou non les pensions complémentaires de ces travailleurs sur le SMIC appartient aux partenaires sociaux, gestionnaires de ces régimes, qui n’ont pour l’instant pas pris d’engagement sur ce point. Il n’y a donc pas de garantie qu’à long terme la pension de ces travailleurs sera maintenue à 85 % du Smic [8].

Calcul des auteurs à partir du calculateur DREES. La pension CNAV correspond à la pension principale du régime général, le MICO correspond au minimum contributif et les pension Agirc-Arrco, complémentaire RSI et Ircantec respectivement aux pensions complémentaires du privé, des indépendants et des contractuels de la fonction publique

Qui sera concerné par la réforme, pour quels montants ?

En l’absence de microsimulation complète de l’augmentation du minimum contributif, il est difficile de déterminer son impact redistributif. Les données existantes permettent néanmoins d’avoir des ordres de grandeur du nombre de bénéficiaires potentiels et du montant de revalorisation auquel ils auront droit. 

Moins de 10% des nouveaux retraités sont potentiellement concernés par l’augmentation maximale de 100 euros

Tout d’abord, le minimum contributif concerne environ quatre retraités sur dix, mais seulement un retraité sur quatre dans leur régime principal, et un sur cinq parmi les nouveaux retraités. Pour la génération 1950, on compte en 2016, 26,4 % [9] de retraités concernés par un minimum de pension dans leur régime principal. Pour cette même génération, seuls 32,7 % avaient une durée de cotisation (tous régimes confondus) supérieure à 30 ans ; les deux-tiers des personnes ne seraient donc concernés que par l’augmentation du minimum contributif de base et ne bénéficieraient au mieux que d’une augmentation de 25 euros. En moyenne le taux de proratisation des bénéficiaires du minimum contributif de cette génération était de 74,1 %, et le gain de pension moyen lié à la réforme, pour ces individus, serait d’environ 39 euros par mois [10]. Si ces proportions se maintiennent pour les nouveaux retraités à venir, l’augmentation maximale de 100 euros ne devrait donc concerner qu’au plus une personne sur dix.

Une majorité des personnes déjà retraitées bénéficiaires du minimum contributif ne seraient pas concernées par la revalorisation

Comme mentionné par le gouvernement, l’augmentation du minimum contributif concernera également le stock, c’est-à-dire les personnes ayant d’ores et déjà liquidé leur pension de retraite. En 2016, 40 % des retraités percevaient un minimum de pension, soit près de 6,4 millions de personnes, et 28 % un minimum de pension dans leur régime principal (4,5 millions de retraités). Le projet de loi indique que, pour les personnes déjà retraitées, la majoration aura pour condition d’avoir une durée cotisée au moins égale à une durée qui sera fixée par décret: il laisse ainsi à penser [11] que l’éligibilité à la majoration sera plus restrictive que pour les nouveaux retraités, puisque seules les personnes pouvant justifier de 30 années de cotisation (en supposant que cette durée sera celle retenue dans le décret d’application) pourront prétendre à l’augmentation de 100 euros, proratisée en fonction de la durée de cotisation. Le graphique suivant donne les distributions de durée cotisées parmi les bénéficiaires de minima de pension et permet de se faire une idée du nombre de personnes concernées: les trois-quarts des bénéficiaires d’un minimum pour leur régime principal ont une durée cotisée inférieure à 30 ans et n’auraient donc pas droit à revalorisation du minimum contributif. 

La réforme devrait néanmoins augmenter le nombre de bénéficiaires du minimum contributif

En revanche, en plus de ces personnes, d’autres retraités ayant des faibles pensions, mais qui n’étaient pas éligibles au minimum contributif au moment où ils étaient partis à la retraite, le deviendraient dans le cadre de la réforme et pourraient être intégrés au dispositif. Il peut s’agir notamment de personnes parties à la retraite avant la création de la majoration du minimum contributif dans le cadre de la réforme de retraites de 2003 – elles bénéficieront alors d’un gain de pension égal à une partie de la majoration actuelle en plus de son augmentation de  100 €. Le nombre de ces nouveaux bénéficiaires est toutefois plus difficile à estimer.

L’augmentation du minimum contributif concerne ainsi potentiellement un grand nombre de retraités actuels et de futurs retraités, mais pour des montants très variables. 

Il convient cependant de souligner que le minimum contributif ne concerne qu’une partie des petites retraites: en 2016, parmi les 15 millions de retraités résidant en France, 44 % [12] ont une pension brute de droit direct inférieure à 1200 euros. Ces 6,5 millions de retraités ne bénéficient pas tous d’un minimum de retraite puisque cet effectif est sensiblement plus élevé que celui des bénéficiaires d’un minimum [13]. Par ailleurs, parmi les retraités faisant partie des 20 % ayant les pensions les plus faibles en 2016, les deux tiers seulement environ bénéficiaient d’un minimum de pension [14].

Quels enjeux de réforme sur les petites pensions ?

Si le minimum contributif ne concerne qu’une partie des retraités à faible pension et si son augmentation dans le cadre de la réforme n’empêchera pas que de nombreuses retraites resteront inférieures à 1200 € c’est parce que le minimum contributif ne constitue pas en réalité un minimum de pension. Cela est lié à sa caractéristique fondamentale d’être calculé au prorata de la durée validée : si celle-ci est très faible, le montant de minimum contributif versé sera lui-aussi très faible, et ce dispositif ne peut donc pas, par construction, garantir un montant minimum indépendamment de la carrière. 

Si cette caractéristique s’explique par le choix historique d’un système de retraite qui soit de nature avant tout contributive, elle soulève deux interrogations. Premièrement, si le minimum contributif ne constitue pas un minimum de pension, quelle est sa finalité véritable, et ses règles sont-elles efficientes au regard de cette finalité ? Deuxièmement, faudrait-il un véritable dispositif de pension minimale (inconditionnelle), et quelles pourraient en être les caractéristiques ?

Au-delà du montant du minimum contributif, une réflexion nécessaire sur le calcul du salaire de référence

Le minimum contributif étant proratisé de façon identique au salaire de référence, il joue en pratique une fonction de minimum de salaire de référence, davantage que de minimum de pension. Le besoin d’un tel minimum peut paraître étonnant, dans la mesure où le salaire de référence au régime général est une moyenne des salaires de carrières (moyenne des 25 meilleures années, c’est-à-dire des 25 années où le revenu salarial revalorisé est le plus élevé) et où il existe déjà un mécanisme de salaire minimal, à savoir le SMIC ; mais la justification vient de ce que dernier n’a qu’une portée partielle. Il ne s’applique pas, par exemple, aux revenus d’activité des travailleurs non-salariés, et reste calculé en proportion de la quotité de temps de travail pour les salariés à temps partiel. Surtout, le salaire de référence utilisé pour la retraite s’avère partiellement déconnecté des salaires effectivement perçus en cours de carrière du fait de son calcul annualisé : pour un travailleur saisonnier rémunéré au SMIC à temps plein mais qui n’a travaillé que 6 mois dans l’année (tout comme le cas type 2 présenté précédemment), le montant pris en compte pour le calcul du salaire de référence ne sera pas celui de sa rémunération effective sur la période travaillée (soit le SMIC) mais la moitié de celle-ci, car le revenu total perçu sur l’année est rapporté à une base de  12 mois [15].

Au-delà de la plus grande transparence sur sa finalité effective, penser le minimum contributif en tant que dispositif de minimum visant le salaire de référence et non la pension permet de souligner certains enjeux relatifs à son calcul. Premièrement, il n’a de sens qu’en articulation avec le calcul du salaire de référence : la revalorisation de son montant ne devrait pas dispenser de corriger les imperfections de ce dernier. Autrement dit, le minimum contributif devrait jouer pour les assurés qui ont effectivement cotisé sur la base de salaires ou revenus d’activité faibles, mais ne devrait pas avoir pour vocation de compenser le fait que le salaire de référence est parfois artificiellement abaissé, du fait de ses modalités de calcul particulières. Outre le calcul annualisé déjà mentionné, la raison principale pour laquelle le calcul du salaire de référence peut aboutir à un montant relativement bas est que le nombre d’années retenues ne dépend pas de la durée de la carrière : si retenir les 25 meilleures années permet effectivement d’écarter les années à plus bas salaires pour les personnes à carrière complète, ou à tout le moins à carrière relativement longue, il ne joue pas ce rôle de filtre pour les assurés à carrières courtes, qui sont aussi souvent ceux à plus basse rémunération. Un calcul sur une durée proratisée (par exemple la moitié ou les deux-tiers des meilleures années de la carrière) permettrait de corriger cela, et rendrait moins prégnante la question du montant du minimum contributif. Deuxièmement, si l’on conçoit le minimum contributif en tant que minimum de salaire de référence, certaines conditions complémentaires mériteraient d’être réinterrogées, notamment celles qui induisent des effets de seuil dans son calcul. En particulier, dès lors que la contributivité du système est assurée par la proratisation selon la durée de carrière et par l’application d’un coefficient de décote ou de surcote, le non-versement du minimum contributif pour les personnes qui ne disposent pas du taux plein n’apparaît pas vraiment justifié [16].

Un véritable minimum de pension est-il nécessaire, et si oui sous quelle forme ?

S’il n’existe pas à proprement parler de minimum de pension dans le système de retraite français, c’est-à-dire de garantie d’un montant minimal qui soit totalement indépendant de la durée de la carrière, les retraités bénéficient en revanche d’une garantie de niveau de vie minimal. Celle-ci est assurée par les allocations du minimum vieillesse ; elle est donc soumise aux modalités et aux conditions propres aux minima sociaux : elle tient compte de l’ensemble des ressources (y compris autres que les retraites : revenus du patrimoine, etc.) et elle est calculée au niveau du ménage (elle ne concerne donc pas les retraités à faible retraite qui vivent en couple avec un conjoint bénéficiant d’une retraite élevée). 

Un minimum de pension inconditionnel serait-il pertinent dans le système de retraite français ? Traiter cette question en profondeur dépasserait largement les limites de ce billet, donc on se contentera ici de rappeler quelques enjeux du débat. Signalons tout d’abord qu’un tel minimum n’est pas rendu indispensable dans une simple optique de lutte contre la pauvreté des seniors, du fait de l’existence du minimum vieillesse, qui joue déjà ce rôle. Un minimum de pension s’inscrirait donc davantage dans une logique d’individualisation des garanties de ressources, aspiration qui semble se développer aujourd’hui et qui fait écho, par exemple, au récent débat sur la déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé (AAH). À l’inverse, un minimum de pension indépendant de la durée validée se heurterait au principe de contributivité du système de retraite actuel. À moins d’en fixer le montant à un niveau très bas, ce qui en ferait perdre la substance, un tel minimum de pension concernerait vraisemblablement la plupart des retraités à carrière incomplète et bénéficiaires du minimum contributif actuels, dont le montant de retraite ne dépendrait plus, alors, de la durée de carrière. Le système ne “récompenserait” plus, par conséquent, ceux et celles qui, tout en ayant validé moins d’une carrière complète, ont travaillé pendant plus longtemps que d’autres.

Une voie médiane pourrait consister à conserver le principe de calcul du minimum au prorata de la durée validée, mais sur la base d’une durée maximale distincte de celle prise en compte pour le calcul du prorata de carrière dans le cas général. Les bénéficiaires actuels du minimum contributif ont en effet, pour une large part, effectué une carrière incomplète, et leur montant de retraite diminue régulièrement, au fil des générations récentes, sous l’effet de la hausse de la durée légale d’une carrière complète depuis 2003. Or cette hausse a été justifiée avant tout par l’objectif d’augmenter les âges de départ à la retraite, en décalant l’âge d’atteinte du taux plein, et non par un objectif de diminuer les pensions les plus faibles. Une amélioration du minimum contributif pourrait donc passer par une déconnexion de la durée de référence pour le versement du minimum “entier” (durée qui pourrait rester constante, voire être abaissée) de celle d’une carrière complète dans le cas général. C’est la logique retenue, par exemple, pour le minimum garanti dans la fonction publique, qui reste servi entier pour une durée de service de 40 années, y compris pour les générations pour lesquelles la durée requise a dépassé ce seuil.

Notes:

[1] Il existe d’autres dispositifs de minimum, en particulier le Minimum Garanti dans la fonction publique, qui n’est pas concerné par la réforme, et la pension majorée de référence (PMR) dans le régime des non-salariés agricoles, qui doit être revalorisée dans les mêmes conditions que le minimum contributif. 

[2] En pratique, quelques trimestres non-travaillés sont pris en compte, mais de façon limitée : par exemple, au plus 4 trimestres de chômage sur l’ensemble de la carrière.

[3] C’est à dire multiplié par cette durée d’assurance au régime général et divisé par la durée légale d’une carrière complète.

[4] Les chiffres diffèrent légèrement ici de ceux du gouvernement car les taux de cotisation du modèle de la Drees à l’Agirc-Arrco sont différents de ceux choisis par le gouvernement.

[5] Un travailleur valide 4 trimestres dès lors qu’il perçoit des rémunérations égales à 600h SMIC dans l’année.

[6] En pratique, l’invalidité est comptabilisée dans la durée cotisée dans la limite de 2 trimestres. Ils ne sont pas pris en compte dans notre calcul.

[7] Il convient de signaler que les différences de pensions complémentaires sont en partie le résultat de versements de contributions sociales différentes par les travailleurs.

[8]  Il est mentionné dans le projet de loi qu’une négociation sera engagée sur ce point pour ce qui concerne les travailleurs indépendants.

[9] Source : EIR 2016 (DREES), fichier xls “les caractéristiques des retraités – Minima de pension”. La génération 1950 comprend ici l’ensemble des résidents en France ou à l’étranger. 

[10] Ce calcul est approximatif étant donné qu’il ne concerne que la génération 1950 et les caractéristiques des bénéficiaires des minima de pension. On suppose ici que l’ensemble de la population au minimum contributif touche les 25 euros du minimum contributif proratisé par la durée d’assurance moyenne et que le reste (32,7%) touche également l’augmentation de la majoration proratisée par la durée de cotisation moyenne des bénéficiaires du minimum contributif. Cette estimation est légèrement plus élevée que celle indiquée dans l’étude d’impact du projet de Loi (page 78 : 33 € mensuels en moyenne), du fait de la différence de génération considérée et car on s’est appuyé ici sur les durées validée et cotisée tous régimes confondus.

[11] 2° du IV de l’article 10 du projet de Loi. Il est également expliqué dans l’étude d’impact que « conformément à l’engagement de la Première ministre, les pensions du régime général des retraités actuels, qui auront été liquidées avant le 1er septembre 2023 seront revalorisées de 100 € par mois pour les assurés ayant effectivement cotisé une carrière complète. Une majoration s’appliquera aux retraités qui ont cotisé au moins 120 trimestres. Pour les assurés éligibles mais ne présentant pas une carrière complète, la majoration de 100€ sera proratisée en fonction du nombre de trimestres cotisés ». 

[12] Source : DREES, EIR 2016, dataviz.drees.solidarites-sante.gouv.fr/distribution_pensions

[13] On dénombre 3,9 millions de bénéficiaires d’un minimum de pension dans leur régime principal et  1,9 million de bénéficiaires d’un minimum de pension dans un autre régime que leur régime principal.

[14]  Source : DREES, EIR 2016, fichier xls “Caractéristiques des retraités – Quintiles” en open data.

[15]  Le Conseil d’orientation des retraites a montré que ce calcul annualisé du salaire de référence pouvait, dans certains cas, conduire à ce que le fait de travailler davantage diminue le montant de la pension.

[16] Ajoutons, pour terminer, que la définition du minimum contributif comme un minimum de salaire de référence devrait conduire à fixer son montant à la moitié du salaire minimal, puisque le taux de remplacement du salaire de référence est de 50 % au régime général en cas de carrière complète. Cela conduirait à un montant de 854,6 €,  soit un peu plus que le montant cible visé par la réforme.

4 réflexions au sujet de « Au-delà des 1200 euros : quelles perspectives de réforme pour les petites pensions ? »

  1. Le calculateur de la DREES indiqué au paragraphe « Une augmentation inférieure à 100 euros pour le travailleur avec une carrière complète au SMIC à temps plein », n’est accessible que par un compte GitLab Enterprise Edition.

  2. Vous écrivez : « La réforme proposée par le gouvernement prévoit une augmentation de 25 euros pour le minimum contributif de base et de 75 euros pour la majoration, soit une augmentation de 100 euros pour le travailleur à carrière complète. »
    Ce n’est pas exact. le Mico de base augmente de 25 euros, il atteindra 709 €. Le Mico majoré sera augmenté de 75 €, il atteindra 822 €. La majoration passe ainsi de 63 € à 113 €, dont elle bénéficie de 50 € de plus. Le Mico de base de 709 € et le sa majoration pour attendre 822 € ne s’additionnent pas, au contraire ils se soustraient.

    1. Bonjour et merci pour votre commentaire.

      Comme il est indiqué, dans le projet de loi page 55(ici):

      Le présent article prévoit également un rattrapage (…) en revalorisant le minimum contributif jusqu’à 100 € par mois (…). Cette revalorisation s’établira jusqu’à 25 € pour le MICO et 75 € pour la majoration du MICO, le montant étant proratisé en fonction des durées d’assurance.

      On a donc un minimum contributif de base qui passe de 684 à 709 euros comme vous l’indiquez et un majoration qui passe de 63 à 138 euros soit un total de 847 euros.

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