une voyante lit l'avenir des prévisions de recette de l'IS dans une boule de cristal et une calculette

Faibles recettes de l’impôt sur les sociétés: qui aurait pu prédire?

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8 novembre 2024Topics Entreprises, Fiscalité

Gouverner, c’est prévoir. Cela vaut en particulier pour les recettes fiscales: des rentrées plus élevées qu’anticipé déclenchèrent fin 1999 la crise politique de la “cagnotte”, dont le ministre de l’économie de l’époque ne s’est jamais relevé1; au contraire, des paiements d’impôts plus bas que prévu signent souvent le début d’une crise budgétaire comme celle que nous vivons actuellement en France. Le projet de loi de finances 2025 révèle ainsi un fossé de plus de 40 milliards d’euros entre les prélèvements obligatoires (PO) de l’année 2024 tels que prévus en septembre 2023 et leur estimation révisée un an plus tard. Plus du tiers de l’erreur de 2024 vient du seul impôt sur les sociétés (IS), qui représente pourtant moins de 5% des PO en France. En 1999, la très grande majorité de la “cagnotte” budgétaire venait de recettes d’IS plus importantes que prévu. Et la difficulté posée par l’IS pour les prévisions de recettes se retrouve ailleurs qu’en France. Y aurait-il donc une forme de fatalité à ces accidents de prévision et, en particulier, au rôle tenu par l’IS dans ces accidents?

Les prévisions budgétaires sont toujours trop optimistes de toute façon, c’est surtout ça le problème, non?

Oui, certains gouvernements un peu myopes sont tentés de faire des prévisions budgétaires trop encourageantes. Heureusement, le sujet de la prévision des recettes est considéré comme suffisamment important pour faire l’objet d’un suivi spécifique de la Cour des comptes et de l’administration. En particulier, cette dernière fournit publiquement deux chiffrages ex post des postes de recettes, qu’il convient de comparer avec l’estimation initiale: l’un dit “révisé” est fourni au début de l’automne de l’année considérée, l’autre dit “exécuté” est rendu disponible au début du printemps suivant l’année considérée. Par souci de pouvoir évoquer l’année 2024, qui n’est pas encore terminée, je me focaliserai dans ce qui suit sur le décalage entre prévisions initiale et révisée.

C’est ainsi que, sur la période 2005-2024, l’écart moyen entre les recettes prévues et les recettes révisées est de moins de 1% en moyenne pour quatre des plus gros prélèvements: cotisations sociales, CSG, impôt sur le revenu, TVA. En revanche, s’agissant de l’impôt sur les sociétés, les recettes prévues initialement ont été en moyenne supérieures de 9% aux recettes révisées. Est-ce donc là le signe d’un optimisme débridé du gouvernement quant à cet impôt? Non, car sur cette même période, les recettes d’IS ont été supérieures aux prévisions plus d’une année sur trois, et plus d’une fois sur deux le taux d’erreur sur cet impôt a été de plus de 8 points en valeur absolue. L’optimisme passé sur les recettes de cet impôt pourrait donc très bien avoir été le simple fait du hasard. Pour expliquer les mauvaises surprises sur les recettes d’IS des derniers mois, c’est donc plutôt la qualité que la malice des prévisions d’IS qu’il faut essayer de comprendre. 

Si les recettes d’impôts sur les bénéfices sont si erratiques, n’est-ce pas simplement parce que les bénéfices eux-mêmes sont volatils?

Oui, l’évolution des profits est une mesure amplifiée de l’évolution de l’économie dans son ensemble, si bien qu’il faut s’attendre à ce que la difficulté de prévoir la croissance de l’économie soit encore bien plus forte s’agissant des bénéfices, et donc de l’impôt dû par les entreprises. Pour confirmer cette intuition, regardons le graphique suivant qui montre l’évolution annuelle du PIB, de l’IS dû par les entreprises et de l’IS payé par celles-ci.

Source: comptes nationaux, DGFiP. Les concepts d’IS agrégé utilisés dans ce graphique sont bruts des crédits d’impôts pour à la fois les sommes d’IS dû et d’IS payé, et nets des remboursements et dégrèvements pour les sommes d’IS payé.

On y observe bien que lorsque l’économie (ici, le PIB) va mal, en 2009, 2014 et 2020, ça va encore beaucoup plus mal pour les bénéfices déclarés et donc pour l’IS dû au titre de ces bénéfices. Ce mécanisme ne suffit pourtant pas à expliquer la difficulté à prévoir l’IS, car ce que le graphique montre aussi c’est que l’IS payé par les entreprises en une année est bien plus volatil que l’IS dont elles sont redevables pour un exercice annuel (l’IS dû). La différence entre les deux, c’est le décalage temporel qu’il y a entre le fait générateur de l’impôt (le bénéfice fiscal) et son paiement, qu’il est particulièrement difficile de prévoir. Or ce décalage de trésorerie est particulièrement important s’agissant de l’IS.

Pourquoi? Parce que les entreprises déclarent ce qu’elles doivent plusieurs mois après la clôture de l’exercice, et paient ce qu’elles doivent par un système d’acomptes et soldes, avec une large marge d’appréciation quant au niveau des acomptes qu’elles vont faire. La comptabilité des bénéfices des entreprises, parce qu’elle n’est pas une comptabilité de caisse (un euro entré dans le compte en banque = un euro de plus de bénéfice) mais d’engagement (un euro de plus de facturé = un euro de plus de bénéfice), empêche en effet l’alternative au système d’acomptes qui consisterait à taxer à la source le bénéfice fiscal. Mais ce qu’on peut facilement deviner alors, c’est que le choix d’acompte n’est pas indépendant de la situation financière de l’entreprise. Lorsque ça va mal, l’entreprise va, de sa propre initiative, limiter ses acomptes, soit en anticipant une baisse de bénéfice fiscal, soit en espérant qu’elle ira mieux lorsqu’il s’agira de solder l’impôt dû. Pour l’État, cela veut dire que non seulement les impôts dûs sont en berne mais leur paiement est encore plus déprimé.

C’est donc parce que l’IS joue un rôle d’amortisseur des difficultés financières des entreprises qu’il est difficile à prévoir, et ce même lorsque l’assiette de cet impôt, le bénéfice fiscal, est correctement anticipée.

Pour mieux comprendre, prenons l’exemple des recettes d’IS de l’année 2024. Dans le PLF 2024 (écrit en septembre 2023), il était ainsi prévu une recette d’IS net de plus de 72,05 milliards d’euros, portée par une croissance prévue du bénéfice fiscal 2023 (l’assiette principale de l’IS payé en 2024) de 14%; dans le PLF 2025 (écrit en septembre 2024), ce chiffre est révisé à 57,7 milliards d’euros, après une révision de la croissance du bénéfice fiscal 2023 de 14% à 1%. Ces 13 points d’erreur de prévision du bénéfice fiscal 2023 s’expliquent facilement compte tenu des informations utilisées. En septembre 2023, les entreprises n’ont encore fourni aucune information individuelle à Bercy sur leur activité en 2023, et les services de prévision ne se reposent alors que sur des informations macroéconomiques, pour une période où la répartition de la croissance entre salaires et profits est difficile à prévoir du fait de tensions inflationnistes inhabituelles et concentrées dans des branches bien particulières.

En revanche, en septembre 2024, la direction du Trésor, à l’origine des prévisions gouvernementales, a entre ses mains toutes les déclarations fiscales pour 2023. Il reste néanmoins que ces 13 points d’erreur sur les bénéfices de 2023, appliqués à un IS dû en 2022 d’environ 68 milliards, n’expliquent que 8,8 milliards de recettes en moins de prévu en 2024, et c’est donc environ 40% de l’erreur de prévision de recettes d’IS qui ne peut s’expliquer par une simple erreur de prévision des profits. Cette grosse erreur résiduelle s’explique très probablement par une évolution du comportement de paiement de l’IS, à bénéfices donnés, entre 2022-2023 et 2023-2024. En particulier, les entreprises, particulièrement riches en liquidités au sortir de la pandémie, ont pu régler alors de généreux acomptes, pour revenir ensuite à une gestion de trésorerie de l’IS moins favorable à l’Etat. Cet effet d’accordéon des recettes d’IS, déjà observé en 2009-2010, se reproduit donc en ce moment.

La probabilité d’une mauvaise surprise d’IS était donc élevée, mais qui aurait pu prévoir qu’au même moment des recettes d’impôts plus “solides” feraient défaut?

En effet, puisque les autres grands impôts sont bien plus prévisibles et assis sur des assiettes bien différentes de l’IS, il peut sembler improbable que les mauvaises surprises sur l’IS se doublent de recettes plus basses que prévu ailleurs dans notre système socio-fiscal, comme cela semble malheureusement le cas cette année. Pour le vérifier, il suffit de représenter la corrélation entre le taux d’erreur de prévision sur les recettes d’IS et le taux d’erreur sur le reste des PO, comme nous le faisons dans le graphique qui suit.

Source: rapport économique, social et financier, tome Recettes de l’évaluation des voies et moyens, pour les exercices budgétaires 2005 à 2024. Chaque point figuré dans le graphique correspond à un exercice budgétaire annuel. Le taux d’erreur est égal à la différence entre les recettes estimées en loi de finances initiale et celles estimées en “révisé” pour le projet de loi de finances de l’année suivante, rapporté au montant de cette estimation “révisée”. Le reste des prélèvements obligatoires est égal au montant total des prélèvements obligatoires duquel on a soustrait les recettes nettes d’impôt sur les sociétés.

On y voit une très nette corrélation positive entre l’erreur de prévision sur l’IS et l’erreur de prévision sur l’ensemble des autres impôts. Autrement dit, lorsque la prévision d’IS est plus mauvaise que d’habitude, c’est la même chose pour les autres PO, et il est donc tout à fait habituel de voir plusieurs impôts “passer au rouge”, même si l’IS est l’impôt pour lequel cela arrive de la manière la plus spectaculaire. Et le fait que l’erreur soit plus petite en taille relative sur les autres prélèvements ne suffit pas à rassurer car une petite erreur sur un très gros impôt fait autant de dégâts budgétaires qu’une grosse erreur sur un “petit” impôt comme l’IS.

Une première raison qui explique cette corrélation entre erreurs de prévision sur différents impôts, c’est évidemment que leurs assiettes sont toutes exposées à la conjoncture, à propos de laquelle les prévisions gouvernementales font régulièrement des erreurs. Pour s’en convaincre, je montre dans le graphique qui suit l’évolution du taux d’erreur de prévision des PO et du PIB par le gouvernement.

Source: rapport économique, social et financier pour les exercices budgétaires 2005 à 2024. Chaque point figuré dans le graphique correspond à un exercice budgétaire annuel. Le taux d’erreur est égal à la différence entre les montants de PIB et de prélèvements obligatoires estimés en projet de loi de finances initiale et ceux estimés en “révisé” dans le projet de loi de finances de l’année suivante, rapporté au montant de cette estimation “révisée”.

On y voit clairement que lorsque la croissance se retourne, comme en 2009 et 2020, les prévisions budgétaires surestiment la croissance économique à venir, et les prévisions de recettes de tous les PO s’en ressentent. Mais, comme nous avons pu le constater cette année, la difficile prévision du PIB n’explique tout de même pas tout s’agissant des prévisions de recettes: l’élasticité des prélèvements obligatoires au PIB a été bien inférieure à ce qui était encore prévu par Bercy à l’automne 2023. Autrement dit, alors qu’on n’a presque jamais aussi bien prédit l’activité économique que pour 2024, on ne s’est presque jamais autant trompé s’agissant des recettes fiscales. C’est pourquoi il faut étudier la possibilité que les prévisions de différents impôts se trompent dans la même direction y compris une fois que l’on soustrait de ces erreurs de recettes, l’erreur sur le PIB. C’est exactement ce qui est montré dans le graphique qui suit.

Source: rapport économique, social et financier, tome Recettes de l’évaluation des voies et moyens, pour les exercices budgétaires 2005 à 2024. Chaque point figuré dans le graphique correspond à un exercice budgétaire annuel. Le taux d’erreur est égal à la différence entre les recettes estimées en loi de finances initiale et celles estimées en “révisé” pour le projet de loi de finances de l’année suivante, rapporté au montant de cette estimation “révisée”. Les taux d’erreur nets d’erreur de PIB sont le résidu d’une régression du taux d’erreur sur un type de recettes sur le taux d’erreur de prévision du PIB. Le reste des prélèvements obligatoires est égal au montant total des prélèvements obligatoires duquel on a soustrait les recettes nettes d’impôt sur les sociétés.

Il montre que, même lorsque l’on neutralise les erreurs de prévision de l’activité, les erreurs de prévision de l’IS prédisent fortement les erreurs de prévision des autres PO. Une explication plausible est que la plupart des “grands” impôts (TVA, cotisations sociales et, dans une moindre mesure, CSG, IR) sont payés à l’État par les entreprises même s’ils sont dûs par d’autres contribuables (salariés et consommateurs finaux). Cela veut dire que la situation financière des entreprises peut, en sus de l’IS qu’elles doivent, entraver ou au contraire faciliter le paiement d’impôts qu’elles ne doivent pourtant officiellement pas. Cela veut en outre dire que si l’État se trompe sur ses recettes fiscales (IS et non IS), c’est aussi parce qu’il a du mal à prévoir ces facilités ou difficultés de paiement dont il hérite en dernier ressort.

Est-ce vraiment alors la vocation de l’État de subir ainsi les mouvements de trésorerie des entreprises?

Suite à une crise budgétaire, de nombreuses dépenses sont réduites, ce qui touche en premier lieu les classes populaires. Et ce, alors même que les difficultés financières des entreprises que l’État amortit en percevant de moindres recettes que prévu sont nominalement supportées par les actionnaires de ces entreprises, qui se situent plus souvent dans les franges les plus aisées de la population. C’est ce contraste qui justifie de répartir le risque financier entre État et entreprises de manière différente suivant la situation financière de l’entreprise. Dans cet esprit, il faut bien sûr évoquer les facilités de paiement d’IS offertes par l’Etat aux entreprises les plus fragiles en temps de crise. Mais on oublie souvent que dans le même temps l’Etat impose des paiements d’IS plus stricts aux entreprises les plus solides. Au plus fort de la crise grecque, en 2011, le législateur français a ainsi considérablement réduit les possibilités de lisser les bénéfices fiscaux des entreprises autrefois déficitaires, dès lors que ces bénéfices sont particulièrement importants. De la même manière, depuis 2005, il est exigé des plus grandes entreprises de payer plus vite, via un “cinquième acompte”, l’impôt sur les sociétés qu’elles doivent.

Toute la question est de savoir si les entreprises auxquelles l’État demande un effort de trésorerie plus instantané sont bien celles qui ont les reins suffisamment solides pour partager un peu moins de leur risque financier avec l’État. Or, aujourd’hui, le principal indice de solidité financière qui figure dans le code des impôts est le chiffre d’affaires réalisé sur le territoire français. Il est fort possible que de nombreuses entreprises, qui ne figurent pas dans les “300” qui dépassent un milliard d’euros sur ce critère, soient pourtant suffisamment à l’aise financièrement pour ne pas peser sur la trésorerie de l’État. Inversement, il y a certainement des entreprises considérées comme “aisées” par le code des impôts qui ont pourtant des besoins en trésorerie critiques dans une période économique plutôt morne. Il serait très utile pour procéder au mieux à ce ciblage qu’au moins les parlementaires, sinon le grand public, soient informés de l’identité de ces très grandes entreprises, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il ne s’agirait pas de rendre transparente l’ensemble de la déclaration fiscale de ces entreprises, au prix d’entamer ainsi inutilement le secret des affaires, mais seulement un nombre restreint d’informations qui suffirait pour juger de l’intérêt qu’il y a à cibler un si petit nombre d’entreprises.

Mon analyse suggère aussi que si l’évolution de la trésorerie des entreprises explique les mauvaises prévisions d’autres impôts que l’IS, il faut probablement que le législateur s’intéresse un peu plus à la procédure de paiement non seulement de l’IS, mais de l’ensemble des prélèvements obligatoires qui transitent par les entreprises. Par exemple, est-il certain que le recouvrement des cotisations sociales par les Ursaff et les délais de remboursement de la TVA soient non seulement assez souples avec les trésoreries fragiles mais aussi assez durs avec les trésoreries solides? Ces questions ne sont aujourd’hui abordées de manière coordonnée par l’Etat que lorsque les entreprises sont au bord du dépôt de bilan, une situation heureusement rarissime et dans laquelle il s’agit pour l’administration de lâcher du lest plutôt que de s’assurer d’un paiement rapide de leur dû par les entreprises.

Sans toucher au partage actuel du risque financier entre Etat et entreprises, n’y a-t-il par ailleurs aucune amélioration des méthodes de prévision des recettes à envisager?

Nos entreprises envoient en permanence des signaux de la santé de leurs comptes, que l’Etat cherche d’ores et déjà à utiliser pour anticiper les cessations de paiements. Il peut sembler donc étrange que, comme c’est pourtant le cas aujourd’hui, les prévisions de recettes d’IS en fin d’année N pour l’année N+1 n’aient pour seules sources d’informations que des prévisions macroéconomiques pour l’année N+1, les recettes d’IS enregistrées en début d’année N, et les déclarations de bénéfices des entreprises au titre de l’année N-1.

C’est d’autant plus surprenant que les services de prévision de Bercy ne sont pas la seule institution qui s’intéresse de très près au résultat des entreprises. C’est d’abord le cas de l’Insee qui produit, dès 30 jours après la fin d’un trimestre, des comptes nationaux trimestriels de branches. Ce sont justement ces comptes que l’Inspection Générale des Finances a identifiés en juillet dernier comme une source utile à la prévision et pourtant non encore exploitée par les services budgétaires de Bercy. On peut toutefois facilement aller bien plus loin, car ce travail de l’INSEE utilise comme principale source d’informations les relevés mensuels de TVA envoyés par des millions d’entreprises françaises à la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP). L’INSEE est par ailleurs en première ligne dans l’identification de nouvelles sources d’information sur l’évolution de l’activité. C’est ainsi qu’à terme, la mise en place de la facturation électronique permettra aux services de l’État de connaître en temps réel le montant des factures d’achats des entreprises, et non plus seulement leurs recettes. Toutes ces sources administratives ont l’avantage d’être très rapidement accessibles et individualisées; elles permettraient donc de pousser la prévision budgétaire jusqu’au cas individuel de certains très gros contributeurs à l’IS.

Par ailleurs, l’évolution des résultats des entreprises, c’est aussi le sujet d’intérêt numéro un des analystes financiers qui suivent les sociétés cotées en Bourse. Pour nourrir ces analystes, l’Autorité des Marchés Financiers impose la mise à disposition d’informations financières très détaillées à une fréquence infra-annuelle. Les analystes proposent ensuite sur ces bases des projections assez précises de résultat net et de dividende entreprise par entreprise pour des horizons de 3 mois jusqu’à plusieurs années. De nombreuses entreprises, représentant une part très importante des recettes d’IS, sont donc capables de fournir très rapidement des informations sur résultats et flux de trésorerie dans le but d’alimenter des estimations et prévisions. À ce stade, elles ne le font de manière exhaustive que sur un périmètre consolidé mondial, alors que du point de vue de l’État français seule l’activité réalisée sur le territoire français compte. Il ne semble toutefois pas insurmontable pour ces entreprises de fournir à l’État des informations comptables provisoires sur le périmètre adéquat, ce qui améliorerait considérablement les prévisions. Dans cet esprit, les plus grosses entreprises doivent déjà payer un acompte en décembre sur la base d’une prévision de bénéfice pour l’exercice en cours; c’est le fameux “cinquième acompte”. On peut toutefois s’étonner, d’une part, que le formulaire d’acompte utilisé pour ce faire ne force pas les entreprises à déclarer directement leur estimation de bénéfice pour l’année en cours et, d’autre part, que cette estimation de bénéfice ne puisse pas être fournie, à titre informatif, plus tôt qu’en décembre. Pour ne prendre qu’une anecdote, on notera que TotalEnergies communiquait dès septembre 2022 sur le montant du bénéfice fiscal du groupe sur le territoire français pour 2022.

Des améliorations du système de prévision actuel sont donc tout à fait envisageables, et c’est peut-être l’occasion de s’en saisir: c’était justement l’épisode de la “cagnotte” qui avait donné il y a 25 ans l’impulsion politique nécessaire à une grande réforme de la discussion budgétaire (la “LOLF”), sous l’empire de laquelle les débats budgétaires sont organisés encore aujourd’hui en France.

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Les Echos, 26 mars 2024, “Déficit : comment Bercy justifie un dérapage « très, très rare »”,   https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/deficit-comment-bercy-justifie-un-derapage-tres-tres-rare-2085213

Le Figaro, 4 octobre 2024, “Budget 2025 : à quoi pourrait ressembler la liste des 300 grandes entreprises que Michel Barnier veut mettre à contribution ?”, https://www.lefigaro.fr/conjoncture/a-quoi-pourrait-ressembler-la-liste-des-300-grandes-entreprises-que-michel-barnier-veut-mettre-a-profit-20241004

Le Monde, 9 décembre 1999, “La droite accuse le gouvernement de dissimuler une « cagnotte » budgétaire”, https://www.lemonde.fr/archives/article/1999/12/09/la-droite-accuse-le-gouvernement-de-dissimuler-une-cagnotte-budgetaire_3603117_1819218.html

Le Monde, 29 mars 2000, “Le mystère de la cagnotte”, https://www.lemonde.fr/archives/article/2000/03/29/2-le-mystere-de-la-cagnotte_3688587_1819218.html

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Le Point, 21 septembre 2022, “Comment Total défend ses profits exceptionnels”, https://www.lepoint.fr/politique/comment-total-defend-ses-profits-exceptionnels-21-09-2022-2490865_20.php

Libération, 10 février 2000, “La cagnotte fiscale révélée par Sautter : 30,7 milliards. L’excédent des recettes en 1999 a déjà permis à Bercy de réduire de 20 milliards le déficit budgétaire.”, https://www.liberation.fr/france/2000/02/10/la-cagnotte-fiscale-revelee-par-sautter-307-milliards-l-excedent-des-recettes-en-1999-a-deja-permis-_316155/

Sources statistiques

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Banque de France, 2024, “Dans un contexte économique ralenti, les entreprises  de taille intermédiaire ont confirmé leur résilience en 2023”, Bulletin de la Banque de France, https://www.banque-france.fr/system/files/2024-07/BDF253_3_ETI_web.pdf

Direction Générale des Finances Publiques, 2024, Impôt sur les sociétés (IS) : nombre d’entreprises, montants du chiffre d’affaires, du bénéfice taxable, de l’IS brut et de l’IS net des entreprises redevables par taille d’entreprise, https://www.impots.gouv.fr/node/25481

Insee, 2024, Comptes nationaux trimestriels, note méthodologique, https://www.insee.fr/fr/metadonnees/source/fichier/note_methodologique_comptes_nationaux_trimestriels.pdf

Insee, 2024, Dépenses et recettes des administrations publiques en 2023, https://www.insee.fr/fr/statistiques/8068624?sommaire=8068749

Insee, 2024, Note de révision de la première estimation du 2e trimestre 2024, https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/8237189/revpe242.pdf



  1. On retiendra notamment cette citation de l’époque du député d’opposition UDF Jean-Jacques Jégou: « Les socialistes ont changé. Avant, ils dépensaient l’argent qu’ils n’avaient pas. Maintenant, ils en planquent. Comme dirait Obélix, ils sont fous ces socialistes. » ↩︎

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