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Carrières longues : devrait-on pouvoir partir à la retraite dès qu’on a cotisé la durée requise ?

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6 mars 2023Topics Retraites

La durée de carrière joue un rôle essentiel dans le système de retraite français, pour déterminer le montant de la pension, mais aussi le moment où on peut partir à la retraite. Certains, dans le débat public, pensent qu’il faudrait aller encore plus loin, et gommer toute référence à des âges légaux, de façon à ce que la durée validée seule détermine l’âge de départ à la retraite — plus précisément : que chacun puisse partir à la retraite dès lors qu’il ou elle a atteint la durée légale requise.

Cette vision s’exprime en particulier dans les discussions sur les évolutions du dispositif de retraite anticipée pour carrière longues (ou « RACL »), créé en 2003, étendu en 2012, et que le projet de réforme actuel prévoit d’étendre encore afin d’atténuer, pour les personnes qui ont commencé à travailler le plus tôt, l’impact du relèvement à 64 ans de l’âge légal minimal de droit commun. Le projet de réforme présenté par le gouvernement en janvier prévoyait en effet de décaler de 2 ans (c’est-à-dire de la même façon que l’âge minimal de droit commun) les âges de départ en retraite anticipée, mais aussi d’assouplir les conditions d’accès au dispositif de façon à, selon l’étude d’impact, « augmente[r] pour une partie des assurés […] l’écart entre l’âge de départ possible pour les assurés ayant débuté tôt leur carrière et l’âge légal de droit commun ». Le projet initial prévoyait ainsi la possibilité de partir à la retraite à 58, 60 ou 62 ans respectivement pour les personnes ayant commencé à travailler avant 16, 18 ou 20 ans[1]. Suite au débat à l’Assemblée Nationale, le gouvernement a proposé par un amendement d’élargir encore ces possibilités, en permettant un départ à 63 ans pour les assurés ayant commencé de travailler avant 21 ans. Cette proposition vise notamment à éviter que certains assurés soient contraints de travailler davantage que la durée requise du fait des effets de seuil liés aux âges de départ anticipé. Elle appuie ainsi d’une certaine façon l’idée que la durée de cotisation ne doit pas — ou, à tout le moins, pas de façon contrainte — dépasser la durée légale requise, et donc implicitement l’idée qu’il serait légitime que le départ à la retraite soit rendu possible dès lors que que cette durée légale est atteinte. Toutefois, comme certains l’ont fait remarquer, l’amendement gouvernemental ne permet pas d’éviter entièrement les cas de durée contrainte supérieure à 43 ans à terme : cela reste le cas, par exemple, pour les assurés ayant commencé à travailler avant 19 ans ou avant 17 ans, qui ne pourront partir à la retraite qu’à 62 ou 60 ans respectivement, et devront par conséquent travailler pendant 44 ans.

Faudrait-il donc compléter encore le dispositif, et ajouter également des âges de départ anticipé intermédiaires de 59 et de 61 ans pour les personnes ayant commencé à cotiser avant 17 ans ou avant 19 ans ? Faudrait-il aller plus loin encore, et supprimer toute référence aux âges légaux, pour ne mettre comme unique condition de départ à la retraite que le fait d’avoir atteint la durée requise ? Répondre à ces questions implique de revenir d’abord aux justifications et aux finalités du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue, et plus généralement aux objectifs de la prise en compte de la durée dans le système de retraite.

Le rôle de la durée dans les règles de retraite actuelles : comment en est-on arrivé là ?

Commençons par prendre un peu de recul par rapport à la problématique des carrières longues, et rappelons quelques principes généraux et évolutions historiques sur le rôle de la durée dans les règles de retraite.

Les régimes de retraite de base sont, à quelques exceptions près, des régimes en annuités de nature contributive. Ils expriment donc les droits acquis à la retraite sous la forme de durées (en nombre de trimestres ou en nombre de jours selon les régimes) et versent une pension de retraite d’autant plus élevée que les assurés ont contribué au système de retraite, c’est-à-dire concrètement d’autant plus élevée qu’ils ont validé une durée longue. Dans la formule de calcul de la pension dans les régimes de base, cela se traduit par l’application d’un « coefficient de proratisation », c’est-à-dire par un calcul du montant de retraite au prorata de la durée validée, dans la limite d’une carrière complète.

Cette fonction de la durée dans la détermination de la retraite est présente depuis l’origine, et n’a jamais été remise en cause. La durée validée a cependant acquis progressivement un rôle dans les règles de retraite qui va au-delà de cette proportionnalité entre le montant de retraite et la durée de carrière, puisqu’elle joue désormais également directement sur l’âge de départ à la retraite. C’est ce rôle-là, plus récent, que souhaiteraient encore renforcer celles et ceux qui promeuvent un système de retraite qui ne dépendrait que de la durée.

À l’origine, le montant de la retraite ne dépendait pas uniquement de la durée de contribution et du niveau de salaire, mais aussi de l’âge de départ à la retraite. Le système visait en effet à offrir une certaine « liberté de choix » de cet âge, à partir de 60 ans. Il semblait donc naturel, pour maintenir un équilibre actuariel entre les contributions des assurés au système de retraite et les prestations qu’ils en retirent, que le montant de pension tienne compte, de façon symétrique, aussi bien de la durée de contribution (via la durée de carrière) que de la durée de perception d’une pension (c’est-à-dire la durée de retraite). En outre, comme le système de retraite vise à mutualiser le risque viager, il considère une espérance de vie moyenne, commune à tous les assurés, si bien que la durée de retraite peut être entièrement déterminée par l’âge de départ. En d’autres termes, la prise en compte de cette durée de retraite peut être réalisée par une modulation du montant de pension selon l’âge de départ, par le biais d’un système de décote ou surcote autour d’un âge de référence dont la valeur serait inverse à l’espérance de vie (donc de retraite) à l’âge de départ. À l’origine du système de retraite en 1945, les règles respectaient globalement cette logique[2].

Le système s’est ensuite éloigné de ces principes, en deux temps. La réforme des retraites de 1983 a d’abord annulé partiellement la modulation de la pension selon l’âge, en créant la possibilité de partir à la retraite à taux plein dès 60 ans en cas de durée validée complète, et en supprimant les coefficients d’ajournement, c’est-à-dire de majoration de la pension en cas de report de l’âge de départ à la retraite au-delà du taux plein. La logique était alors, en effet, de sortir d’une optique de liberté de choix pour inciter, à l’inverse, à partir à la retraite dès que la carrière était complète. En cas de carrière incomplète, une forme de modulation restait en vigueur, avec des coefficients de décote avant 65 ans et une majoration liée à l’âge après mais, comme le rappelle le rapport préalable à la réforme de 1983, « le but poursuivi [était …] de permettre l’acquisition d’une pension complète, mais non d’encourager la poursuite de l’activité après soixante-cinq ans ». La réforme de retraites de 2003 revient ensuite sur cette optique et vise à l’opposé, d’après son exposé des motifs, à « donn[er] davantage de souplesse et de liberté de choix ». Elle recrée donc une surcote, pour permettre une majoration de la pension en cas de report du départ à la retraite au-delà de l’atteinte d’une carrière complète, réduit le coefficient de décote de 10 % à 5 % ans, le rapprochant ainsi de l’abattement actuariel compte tenu de l’espérance de vie, et élargit la plage des âges de départ à la retraite possibles, en créant le dispositif de départ pour carrière longue à partir de 56 ans. D’une certaine façon, la réforme de 2003 a donc représenté un retour à la logique initiale de modulation de la retraite en fonction de la durée espérée de celle-ci, mais à la (grosse) différence près qu’elle n’a pas remis en question le principe d’obtention du taux plein selon la durée validée, hérité de la réforme de 1983. C’est donc par rapport au moment où la durée requise est atteinte que la modulation est exprimée, et non par rapport à l’âge comme c’était le cas avant 1983.

En résumé, la durée a pris la place de l’âge pour définir le point de départ de la décote et de la surcote, lequel répond en théorie à une logique de prise en compte de l’espérance de vie à la retraite. Implicitement, cette évolution revient donc à considérer que le moment où un assuré atteint la durée requise détermine la durée espérée de retraite davantage que l’âge dans l’absolu. C’est ainsi que la durée validée est, aujourd’hui, comptabilisée deux fois dans le calcul de la retraite : une première fois par le calcul du montant de pension au prorata de cette durée, au titre (explicitement) de la modulation selon la durée de contribution au système, et une seconde fois par le calcul de la décote ou de la surcote, au titre (implicitement) de la durée espérée de retraite.

Pour revenir aux départs anticipés pour carrières longues : les bénéficiaires de ce dispositif ont-ils effectivement une espérance de vie plus courte que les autres retraités, et ce dispositif d’anticipation du départ à la retraite peut-il être vu comme une compensation de cette moindre espérance de vie liée à la carrière plus longue ?

À quelle finalité répondent les départs anticipés pour carrière longue ?

Signalons tout de suite que le débat sur une différenciation explicite des règles de retraite selon les écarts d’espérance de vie dépasse largement le cadre du présent billet de blog. On ne cherchera donc pas à le discuter entièrement dans ce qui suit. Au-delà de la question statistique, c’est-à-dire de la question du lien observé empiriquement entre durée validée et espérance de vie, il interroge en effet le principe fondamental de mutualisation du risque viager par le système de retraite. La question soulève un paradoxe, à ce jour irrésolu : si la prise en compte actuelle de la durée validée pour déterminer le taux plein ne peut être rationalisée qu’en supposant que le système de retraite considère implicitement un lien entre cette durée et l’espérance de vie, ce lien reste implicite, et le système est toujours officiellement censé s’appuyer sur une mutualisation complète du risque viager — qui explique notamment, par exemple, que les règles de retraite ne soient pas modulées selon le sexe malgré l’espérance de vie plus élevée des femmes. Comment concilier ces deux visions ? Force est de constater que le système actuel laisse l’ambiguïté entière, et que la question resterait donc encore à trancher.

Concernant les carrières longues, signalons également que le lien avec l’espérance de vie n’est en réalité pas mis en avant dans les documents préparatoires à la réforme de 2003, qui a créé le dispositif. L’exposé des motifs de la loi mentionne simplement que celui-ci vise à « répondre à une incontestable demande sociale, justifiée par des raisons d’équité ». Le rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de Loi ne fait pas non plus référence à une supposée espérance de vie moindre, mais souligne au contraire le fait que « les périodes cotisées au-delà de 160 trimestres d’activité le sont à perte puisqu’elles n’augmentent pas la période de référence. »

Quoi qu’il en soit, nous montrons dans un post de blog complémentaire à celui-ci que, avec le recul dont nous disposons maintenant pour observer les décès de bénéficiaires d’un départ anticipé pour carrière longue, ces derniers n’ont pas une mortalité plus élevée que les autres retraités. Leurs probabilités de décès aux âges atteints à ce jour sont inférieures à la moyenne des retraités, et semblent même, pour les bénéficiaires nés à partir de 1952, partis à la retraite entre 60 et 62 ans suite aux assouplissements du dispositifs décidés en 2012, inférieures aux autres retraités non-invalides et non-handicapés. Par ailleurs, ces bénéficiaires déclarent moins souvent, en première année de leur période de retraite, des limitations dans les activités de la vie quotidienne. Ces caractéristiques tiennent vraisemblablement pour beaucoup à l’effet de sélection lié au fait qu’un départ anticipé pour carrière longue est conditionné à la validation d’une carrière cotisée complète, c’est-à-dire au fait d’être resté en emploi de façon continue ou quasi-continue jusqu’aux âges de départ à la retraite, condition qui exclut par nature du dispositif les assurés en moins bonne santé, davantage susceptibles d’avoir connu des trous de carrière liées à la maladie ou à l’invalidité.

Ces résultats indiquent avant tout que la justification principale du dispositif carrières longues ne peut pas être la compensation d’une moindre espérance de vie ou d’un état de santé dégradé. Cela ne signifie pas pour autant que les départs anticipés pour carrière longue ne sont pas légitimes. Si le débat public se focalise souvent sur les disparités d’espérance de vie, au point d’en oublier les autres déterminants de l’équité en matière de retraite, d’autres justifications des différences de traitement selon la durée travaillée peuvent être pertinentes.

En l’occurrence, c’est davantage et en premier lieu leur plus longue contribution au système de retraite, et le fait que cette plus longue contribution n’était pas prise en compte dans le calcul de la retraite, qui semble devoir justifier le dispositif de carrière longue. Le montant de pension dans les régimes de base en annuités n’est en effet calculé en proportion de la durée de carrière que dans la limite d’une carrière complète : les années travaillées au delà de cette durée légale ne sont pas prises en compte, au sens où elles ne sont pas comptabilisées dans le montant de retraite, puisque le coefficient de proratisation appliqué à ce montant est borné à 100 %. La création en 2003 de la surcote, qui visait justement à valoriser les prolongations d’activité au-delà de la durée requise, n’a en outre rien changé à cela, puisqu’elle ne comptabilise ces prolongations qu’après l’âge minimal de droit commun (c’est-à-dire 60 ans à l’époque) et pas avant. Dès lors, la possibilité donnée aux assurés concernés de partir à la retraite avant 60 ans était vue comme un moyen d’éviter qu’ils ne soient contraints de rester en activité jusqu’à cet âge minimal de droit commun, et par conséquent de travailler plus longtemps que les autres assurés sans que leur prolongation d’activité ne compte pour leur retraite.

Quelles perspectives de réforme pour le dispositif carrières longues ?

Ces considérations peuvent fournir un guide pour calibrer les évolutions du dispositif de carrières longues dans le cadre de la réforme. Une fois rappelé que c’est avant tout le principe de contributivité qui légitime ce dispositif, que peut-on déduire de ce principe pour définir l’anticipation du départ à la retraite ?

L’existence d’un âge minimal légal dans un système de retraite est souvent justifiée par une approche « paternaliste », qui consisterait à empêcher que les assurés prennent la « mauvaise » décision de partir trop tôt à la retraite avec un niveau de pension trop bas, en sous-estimant le risque de pauvreté qui s’ensuivrait ensuite pendant toute la période de retraite. A priori, ce risque ne se pose pas, ou est a minima fortement atténué, pour les assurés à carrière longue, qui ont par définition acquis suffisamment de droits à retraite. Dans ces conditions, il peut paraître justifié que le départ à la retraite soit possible sous une condition exclusive de durée de carrière, sans autre contrainte, et en particulier sans condition d’âge minimal légal ni d’âge de début de carrière, qui créent des effets de seuil difficilement justifiables.

Cependant, dans la mesure où les retraités qui bénéficient d’une telle anticipation n’ont pas une espérance de vie moindre que ceux qui partent après l’âge minimal de droit commun, il est naturel, pour ne pas créer des situations d’iniquité, de tenir compte aussi de la durée de retraite plus élevée que cette anticipation procure. Une manière de faire aurait pu consister à appliquer une décote liée à l’âge, proportionnelle au nombre de trimestres d’anticipation par rapport à l’âge de droit commun : par exemple une décote de 5 % par an d’anticipation si l’on retenait le barème actuel de la décote pour les personnes à carrière incomplète. La création d’une telle décote devrait, en toute logique, s’accompagner de la prise en compte des durées validées au-delà de la durée légale d’une carrière complète, par l’application d’un coefficient de proratisation qui puisse être supérieur à 100 %.

De telles évolutions reviendraient toutefois à revoir la logique des barèmes de décote et de surcote, et n’auraient vraiment de sens que dans le cadre d’une révision plus large et plus systémique des formules de calcul des pensions. Une autre façon de faire, qui est celle qui avait été retenue en 2003, consiste à conditionner le départ anticipé à une durée cotisée plus élevée que celle qui est requise à l’âge de droit commun, le surcroît de durée de cotisation demandé étant calculé en proportion du surcroît de durée de retraite qui est consécutif à l’anticipation du départ. À titre d’exemple illustratif, le graphique ci-après compare les modalités de départ anticipée pour carrière longue prévues dans le projet de loi aux modalités qui pourraient être définies comme « équitables » par rapport aux assurés partant à la retraite à partir de l’âge minimal légal, au regard des différences de contributions entre ces derniers et les assurés à carrière longue. On s’inspire pour cela de la norme d’équité définie en 2003 pour le partage des gains d’espérance de vie entre allongement de la durée requise et gain de durée de retraite, qui définit l’équité par la stabilisation du rapport entre la durée de retraite et la durée de carrière. On définit ainsi un départ à un âge anticipé comme équitable dès lors que ce rapport calculé à cet âge ne dépasse pas celui qui est atteint par les personnes partant à la retraite avec une carrière complète à 64 ans. Toutefois, pour tenir compte de la non-prise en compte dans le montant de retraite des durées travaillées au-delà de la durée légale requise, on déflate également la durée de retraite dans les mêmes proportions que la durée retenue pour le calcul de la pension. Par exemple, pour une personne ayant travaillé 44 ans alors que seuls 43 ans sont requis et donc comptabilisés dans le calcul, on ne tiendra compte pour le calcul de l’indicateur que de 43/44e de la durée de retraite.

Le graphique illustre bien le fait que le projet de réforme actuel conduit à des effets de seuil, correspondant au fait que ce dernier ne prévoit pas d’âge de départ anticipé pour les personnes réunissant la condition de début de carrière à 17 et à 19 ans respectivement (et qui ont donc commencé à valider des trimestres à 16 et 18 ans respectivement). En revanche, apparaît aussi le fait que le projet de réforme permet systématiquement de partir à la retraite plus tôt, et avec une durée travaillée plus courte que dans la référence d’équité définie par l’égalisation du rapport entre durée de retraite et durée de carrière. Ceci découle mécaniquement du fait qu’il ne cherche pas à tenir compte de la durée espérée de retraite plus longue liée à l’anticipation du départ. En prenant en compte cette durée, l’anticipation du départ à la retraite devrait plutôt, en première approximation, être rendue possible selon une règle « 1 pour 1 » : un départ anticipé de X trimestres est possible dès lors que la durée cotisée dépasse de X trimestres la durée requise pour une départ à l’âge minimal de droit commun [3].

Chacun de ces deux résultats pose question : le fait de laisser, dans le projet de réforme, une iniquité de traitement entre les personnes ayant commencé leur carrière à 17 ou 19 ans et les autres personnes ayant commencé à travailler tôt semble difficilement justifiable, mais l’avantage général donné aux bénéficiaires d’un départ anticipé pour carrière longue par rapport aux personnes atteignant la durée requise à l’âge minimal de droit commun ou après mériterait lui aussi, a minima, une clarification de la notion d’équité sous-jacente [4].


Notes :

[1] Rappelons que cette condition d’avoir commencé à travailler avant X ans s’apprécie par le fait d’avoir validé au moins 5 trimestres avant la fin de l’année civile des X ans, ou 4 trimestres pour les assurés nés après le 30 septembre.

[2] Un ajournement d’un an du départ à la retraite au régime général augmentait le taux appliqué à la pension de 4 points de pourcentage, pour un niveau de ce taux égal à 20 % en cas de départ à 60 ans et à 40 % en cas de départ à 65 ans. Un départ à la retraite à 64 ans plutôt que 65 ans impliquait ainsi un abattement de 10 %, soit à peu près (même si un peu moins que) le gain de durée de retraite lié à cette anticipation du départ, égal à environ 8  %. D’après le bilan démographique de l’Insee, l’espérance de vie à 65 ans en 1946 était en effet de 14,3 ans pour les femmes et 12,2 ans pour les hommes en France métropolitaine.

[3] On pourrait s’étonner de ne pas retrouver ici le partage « 2/3-1/3 », mis en avant lors de la réforme de 2003. Cela s’explique par le fait qu’on n’a pas remis en cause le principe de non-prise en compte dans le coefficient de proratisation des durées cotisées au-delà de la durée légale d’une carrière complète. Cette non-prise en compte constitue une décote implicite, qui justifie donc un partage des durées un peu plus favorable.

[4] Signalons qu’on ne s’est appuyé, pour étudier les conditions d’accès au dispositif de retraite anticipée pour carrière longue, que sur la durée effectivement travaillée. Un autre débat, que nous laissons de côté ici, porte sur la nature des durées qui devraient être prises en compte. Faut-il s’en tenir à la seule durée dite « cotisée », comme c’est le cas aujourd’hui, ou prendre en compte aussi toutes les durées dites « assimilées » qui permettent de valider des trimestres pour la retraite ? (trimestre de chômage, d’invalidité, majorations pour enfants, etc.) La réponse ne va pas de soi. La restriction à la durée cotisée se justifie par la notion de contributivité : le dispositif de carrière longue vise à (ré)compenser le fait d’avoir longuement contribué au système de retraite. La prise en compte des autres types de durée pourrait se justifier par le fait de ne pas faire de différence de traitement entre les droits acquis à la retraite selon leurs modalités d’acquisition, mais elle soulèverait toutefois la question d’un changement de finalité des périodes assimilées, initialement créées pour compenser les conséquences négatives sur le montant de pension des « accidents » en cours de carrière, et non pour permettre un départ anticipé à la retraite.

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